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L’année 2022 restera marquée par une triste performance avec un nombre record de centrales nucléaires à l’arrêt. Pourquoi et comment près de la moitié des réacteurs nucléaires ont-ils pu être éteints en même temps ? Aurions-nous pu éviter ce mauvais timing, qui plus est en hiver, période particulièrement sensible ? Zoom sur l’impact de la maintenance des réacteurs dans le maintien opérationnel des centrales nucléaires.
En 2022, des maintenances plus tardives et plus longues que prévu
Un grand nombre de centrales nucléaires françaises sont actuellement en maintenance. Et même si certaines sont en cours de redémarrage, la plupart sont en “stand by”. En novembre dernier, 20 réacteurs de centre nucléaire de production d’électricité (CNPE) sur les 56 au total étaient ainsi encore en maintenance.
Cette période d’entretien profond des machines et engins techniques dure longtemps. Bien plus longtemps que prévu. En cause, principalement, les périodes de sécheresse provoquant une hausse trop importante des températures des cours d’eau utilisées pour refroidir les réacteurs nucléaires, ainsi que la pandémie mondiale et ses multiples confinements qui ont mis à l’arrêt de nombreux ouvriers et experts. Le calendrier des maintenances décennales en a donc été largement impacté. À cela, plus globalement, s’ajoutent des travaux plus conséquents que prévus, et donc plus longs, sur des réacteurs pour la plupart vieillissants. On pense par exemple à la réparation des fissures découvertes sur le circuit de refroidissement de secours du réacteur n° 1 de la centrale de Civaux dans la Vienne.
La conséquence de ces maintenances qui trainent ? Un malheureux record d’indisponibilité d’une bonne partie du parc français, et donc, des risques de coupure de courant. Début décembre, EDF prévoyait seulement 47 GW de disponibilité. De quoi susciter des inquiétudes sur le territoire.
Comment se passent les maintenances de nos réacteurs nucléaires ?
Mais au fait, à quoi servent ces maintenances ? Le but premier est de garantir le fonctionnement et la puissance des équipements tels qu’ils avaient été prévus au stade de leur conception.
Ces maintenances se font grâce à diverses méthodes préventives, tout au long du fonctionnement des machines. C’est-à-dire que l’on prévoit les éventuels dysfonctionnements et pannes à venir. Certains dispositifs permettent également de travailler de façon prédictive. On effectue un suivi de l’entretien des machines avec, parfois, des systèmes automatisés récoltant de la data.
On effectue également des visites décennales. C’est-à-dire des visites tous les dix ans qui nécessitent l’arrêt complet du réacteur afin de le contrôler, tester, et effectuer des réparations et d’éventuels rechargements de combustibles. Après diagnostic, on peut alors remplacer des pièces, nettoyer de façon préventive des générateurs de vapeur, modifier certains matériels afin d’améliorer la sécurité des installations, s’assurer du bon respect des mesures de radioprotection, etc. Ces arrêts peuvent durer plusieurs semaines, mois, voire un an. Cette année, le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Flamanville en Normandie, a par exemple été arrêté pour maintenance et rechargement en combustible de février 2022 à décembre 2022. Y ont notamment été effectués : le contrôle de plusieurs pièces de robinetterie, le contrôle des groupes électrogènes de secours à moteur diesel, un traitement contre de la corrosion, un examen de conformité des activités.
Dans tous les cas, il s’agit de vérifier que les matériels fonctionnent comme prévu dans des conditions de sécurité suffisantes et de façon à être en règle avec les lois qui les régissent.
De l’importance d'effectuer ces maintenances en été …
Cette année, le décalage de planning a donc posé de nombreuses problématiques en termes d’équilibre en termes d’offres et de demande d’électricité. Et c’est un vrai problème tant nous sommes, en France, dépendant du nucléaire.
En effet, le nucléaire représente 67 % de la production totale d’électricité française. Minimiser au maximum le temps de maintenance, et donc la durée d’indisponibilité du parc, est donc un enjeu primordial.
Ces contrôles, entretiens et réparations poussés étant non seulement obligatoires mais également essentiels pour le bon fonctionnement des centrales, leurs nombres et durées sont difficilement compressibles. On essaie alors d’effectuer ces maintenances à des périodes stratégiques.
Les arrêts des réacteurs pour maintenance sont ainsi habituellement effectués pendant le printemps et l’été, de quoi permettre un redémarrage pour l’automne et l’hiver. Des saisons durant lesquelles la demande en électricité est la plus forte. Avec les retards de cette année, le Gouvernement a donc dû faire un appel à la sobriété. Et les conséquences pour EDF sont elles aussi très lourdes. Dans un communiqué de presse publié en septembre 2022, l’entreprise annonce avoir perdu 29 milliards d’euros pour toute l’électricité non produite et non vendue.
Mais ces retards auraient-ils pu vraiment être évités ? Une meilleure et plus clairvoyante coordination des arrêts de réacteurs nucléaires pour travaux de maintenance et rechargement en combustibles aurait-elle été possible avec le climat et le contexte de ces trois dernières années ?